La mise en abyme est un effet qui « consiste à insérer une œuvre dans une autre œuvre : L’œuvre insérée entretient des relations de similitudes avec l’œuvre insérante. Le dispositif instaure donc un jeu de miroirs entre les deux œuvres ». Cet effet, utilisé dans les différents arts, en créant une rupture dans la […]
La mise en abyme est un effet qui « consiste à insérer une œuvre dans une autre œuvre : L’œuvre insérée entretient des relations de similitudes avec l’œuvre insérante. Le dispositif instaure donc un jeu de miroirs entre les deux œuvres ».
Cet effet, utilisé dans les différents arts, en créant une rupture dans la trame narrative et une reconsidération de l’œuvre sous un autre angle, permet d’établir une communication plus authentique, et ainsi, une meilleure prise de conscience du spectateur, lequel s’il suit simplement la trame narrative . Les dispositifs de la mise en abyme sont variés : pièce dans la pièce, histoire dans l’histoire, compréhension à plusieurs niveaux etc.
Bien entendu, étant de l’intérêt d’un artiste que son œuvre soit bien comprise, il utilise volontiers ce genre d’effet. Néanmoins, pour ceux qui « racontent des histoires » comme on dit, c’est-à-dire qui ont tout intérêt à ce que le spectateur reste au niveau de la trame narrative, c’est un effet néfaste.
Quelques exemples de mise en abyme :
Histoire dans l’histoire :
Dans le film « The Truman Show » l’acteur principal évolue dans une réalité créée pour la circonstance. Truman, le protagoniste, ne sait pas qu’il fait partie d’une émission de télé-réalité, mais le public connaît l’artificialité de la vie de Truman et, par extension, du film qui est regardé.
Ainsi, Truman faisant confiance et obéissant à des règles créées artificiellement, qui sont alors une réalité créée pour la circonstance, est pris dans une trame narrative modulée par une autre dont il n’a pas conscience, ce qui permet aux protagonistes de la seconde trame narrative d’avancer à leur guise.
Compréhension à plusieurs niveaux :
Dans la pièce « le Malade imaginaire » de Molière, Cléante et Angélique, deux amants, se jouent de la naïveté d’Argan, père d’Angélique : Cléante se fait passer pour un maître de musique et chante avec Angélique leur propre histoire d’amour qu’Argan prend pour une pastorale.
Dans cet exemple, les personnes qui trompent, profitant du manque de finesse du trompé, se parlent, communiquent entre elles dans une langue, que le trompé bien que présent, ne saisit pas.
Il y a quelques années sur Facebook, j’avais vu une sorte de pareille expérimentation, que j’avais qualifié de discours « polyglotte ».
Discours dans le discours :
Herman Meville, dans son livre « le Grand Escroc », met en scène un escroc qui, durant son séjour dans le navire « le Fidèle », passe de rôle en rôle avec à un sens formidable du sophisme, prônant à ses interlocuteurs la « confiance envers son prochain, et son semblable » pour mieux les flouer. Passant alors d’escroquerie en escroquerie, jusqu’à la plus grande qui est de devenir une immense escroquerie du discours.
Melville part du principe que celui qui donne un sens aux mots contrôle les choses, et met en place un dispositif de discours dans le discours, un discours sous-jacent, qui mènerait l’autre comme un fleuve emporte un navire. Bien entendu, ce dispositif fonctionne si les interlocuteurs ne s’aperçoivent pas du discours sous-jacent.
Pièce dans la pièce :
Dans la pièce de théâtre Hamlet de Shakespeare est joué, dans la scène 2 de l’acte III, une pièce dans la pièce, dans laquelle Hamlet, dont le père, roi de Norvège, a été assassiné par son oncle (qui essaye de faire passer Hamlet pour menteur, fou ou cachant de supposées bassesses), ne pouvant dire la vérité directement, auquel cas il serait lui aussi assassiné, use de ce stratagème pour dire la vérité par métaphore.
D’ailleurs, le philosophe Pascal affirmait qu’il ne « croyait qu’aux histoires dont les témoins étaient assassinés. » En effet, si un témoin n’est pas inquiété, menacé, diffamé, c’est que ce qu’il dit est sans effet sur l’intrigue.
De l’art à la géopolitique.
« Histoire dans l’histoire», « compréhension à plusieurs niveaux », « discours dans le discours », « pièce dans la pièce » sont quelques-uns des procédés de mise en abyme, qui peuvent servir soit à tromper, soit à révéler la vérité, cela dépend de l’objectif de l’auteur.
« Tromper » qui ? L’un des personnages fictifs de l’œuvre, ou même le public réel de l’œuvre. La frontière, entre la fiction et le réel, est ténue, si bien que dans certaines œuvres, le public réel lui-même, peut très bien être une partie de l’œuvre.
Dans ce cas, « révéler la vérité » à qui ? À l’un des personnages fictifs de l’œuvre, qui peut tout aussi bien être le public réel, selon le dispositif mis en place.
Bref, comme nous pouvons le voir, les effets de la mise en abyme sont variés, ils peuvent servir aussi bien à faire croire, à tromper, qu’à faire comprendre et voir.
Concentrons-nous, dans cet article, sur l’effet de tromperie, non pas en arts, mais en politique et géopolitique, domaines dans lesquels la duperie et la tromperie sont largement utilisées.
La tromperie, la duperie dans un couple, ou un groupe se fait, en général, comme dans la pièce de Molière, en présence de la personne, ou du groupe trompés – qui, par croyances idéologiques, sentimentales, inculture, naïveté etc., n’entendent pas, ne voient pas la duperie.
Notion d’idiot utile.
La notion d’« idiot utile » illustre, entre autres, le mécanisme de la tromperie par les effets de mise en abyme.
L’expression « idiot utile » s’applique à des personnes qui servent des desseins qui contredisent leurs aspirations profondes. Elles sont de bonne foi, mais manipulées. Structurellement, d’ailleurs, les intérêts et objectifs importants modulent les moindres.
Le grand stratège chinois Sun Tzu affirmait dans son livre « l’Art de la Guerre » : « la grande science est de faire vouloir à l’adversaire tout ce que vous voulez qu’il fasse, et de lui fournir, sans qu’il s’en aperçoive, tous les moyens de vous seconder. »
Moduler la volonté, les aspirations de l’adversaire, de manière à lui faire vouloir ce que vous voulez qu’il fasse selon vos intérêts (et lui faisant croire que ces volontés n’émanent que de lui), voilà la grande science stratégique selon Sun Tzu.
Quelques exemples d’idiotie utile dans les domaines de la politique et de la géopolitique :
– La Corée du Nord qui permet de justifier la présence militaire américaine dans cette région,
– Le parti du Front national qui permet, s’il passe au second tour d’une élection, aux partis de gauche de l’emporter systématiquement,
– Les groupes armés extrémistes qui se réclament de la religion islamique, qui, après avoir éliminé un pouvoir en place, sous la houlette de puissances occidentales, sont éliminés à leur tour au profit de leurs anciens sponsors, qui s’emparent ainsi de richesses et de territoires à peu de frais,
– Les extrêmes-gauchistes en Turquie, dont la « guerre contre l’impérialisme » se limite à la Turquie, et s’arrête aux portes de l’Occident, appauvrissant un pays non riche, et enrichissant des pays déjà riches, servant ainsi, in fine, l’impérialisme,
Les exemples ne manquent pas, ils reposent toujours sur une ou plusieurs parties dupées, ces duperies résultant d’un manque d’analyse, de mise en perspective, ou encore sur une confiance, une croyance qui sont accordées de manière trop laxiste, gratuite, donc à tort.
Or, les jeux double ne manquent pas. Du vrai membre d’un courant idéologique au vrai-faux, des personnes convaincues, à celles qui cachent leur appartenance à tel ou tel groupe, structure ou organisation, dissimulant, par là, le monde au nom duquel elles agissent, il y a un écart, qui s’il n’est pas vu, analysé ouvre sur des potentialités de duperies.
Plus généralement, s’il y a un groupe qui a une ou plusieurs alliances, un ou plusieurs sponsors, dont tout est fait pour qu’ils restent inconnus à l’environnement dans lequel agit ce groupe, c’est qu’il y a jeux doubles, duperies.
Par exemple, si un groupe de personnes d’un pays ou d’une communauté, dont on n’a pas de raison de croire, a priori, qu’elles aient des liens particuliers entre elles, entretenaient, en fait, de fortes affinités, structuré par une idéologie commune, qui pourrait être ici en l’occurrence l’internationalisme, se concevant comme phare, « lumière propre » de l’humanisme, agissant dans un projet visant à défaire le caractère unitaire, républicain d’un État, et ayant de très importants sponsors et de très importants soutiens de groupes étrangers, qui partageraient des conceptions communes et un « destin » commun, du moins en apparence, un tel groupe, et les projets qu’il porte, répondrait alors à la définition de duperie géopolitique.
Que duperait ce groupe ? Les différents groupes avec lesquels il agit de concert mais qui ignorent son organisation, sa structure et ses objectifs, l’action commune servant alors d’intermédiaire à des objectifs différents.
Bien entendu, plus les objectifs sont importants, plus les observateurs, témoins extérieurs de ceux-là doivent être rares sinon inexistants, et dans le cas contraire, au moins être disqualifiés, diffamés, démoralisés etc., toutes méthodes classiques de discréditation. De manière archétypale, d’ailleurs, un observateur extérieur qui prévient d’une duperie, est ciblé par le camp qui trompe et suspecté par le camp trompé.
Conclusion
Ainsi, de l’art à la géopolitique, en passant par la politique, la mise en abyme, dans son acception, ses aspects ruses, duperies, nous en avons résumé, dans ses grandes lignes, les structures universelles, résumé qui reste en deçà de ce qu’il faudrait dire et que nous pouvons dire dans notre article.