Les Turcs et les Arméniens ont vécu en paix en Anatolie durant près de 8 siècles. Les identités religieuse, ethnique ou politiques des Arméniens ont toujours été parties intégrantes des sociétés et pouvoirs turcs. À tel point que les sujets arméniens avaient des places très importantes, aussi bien dans la vie économique que politique. De […]
Les Turcs et les Arméniens ont vécu en paix en Anatolie durant près de 8 siècles.
Les identités religieuse, ethnique ou politiques des Arméniens ont toujours été parties intégrantes des sociétés et pouvoirs turcs.
À tel point que les sujets arméniens avaient des places très importantes, aussi bien dans la vie économique que politique.
De nombreux pachas (plus haut rang du gouvernement ottoman), des ministres (tels que Gabriel Noradunkyan, Agop Kazazyan, Mikail Pasha, Ohannes Pasha) et des premiers ministres (Damat Halil Pacha, Suleyman Pasha) étaient d’origines arméniennes, et ont exercé le pouvoir dans les plus hautes sphères de la bureaucratie d’État.
Néanmoins, à partir du XIXe siècle, plusieurs facteurs ont d’abord affaibli, puis ruiné la fraternité qui unissait Turcs et Arméniens :
Ainsi, l’affaiblissement de l’Empire ottoman a favorisé l’émergence des mouvements indépendantistes à l’intérieur des territoires gouvernés par l’Empire.
Ces mouvements, ont été soutenus par les puissances étrangères. Si les Russes ont soutenu les peuples slaves (Bulgares et Serbes) et chrétiens (Arméniens), les puissances occidentales ont, de leur côté, soutenu, dans un cadre géopolitique, principalement des peuples chrétiens non-slaves comme les Grecs et les Arméniens.
Par exemple, en Europe dans les années 1820, tout un mouvement de soutien, civil et politique, s’est-il forgé autour de l’indépendance de la Grèce.
Les Arméniens ottomans ont également commencé à créer des organisations politiques indépendantistes, aussi bien dans les territoires de l’Empire qu’à l’étranger.
Les plus importantes de ces organisations étaient le Hentchak (fondée en 1887 à Genève) et le Tashnag (fondée en 1890 à Tbilissi), dont les objectifs principaux étaient de créer, à la faveur de soulèvements et de collaborations avec les puissances ennemies de l’Empire ottoman, un État indépendant.
Ainsi, ces organisations, qui se définissaient comme « indépendantiste », « révolutionnaire », menaient des actions armées massives contre l’armée ottomane, ou des actions terroristes contre les cibles ottomanes – la prise d’otages à la Banque impériale ottomane à Istanbul en 1896 et la tentative d’assassinat du sultan Abdul Hamid II, qui fera 26 morts, en 1905 sont les plus notables.
Après la guerre russo-ottomane de 1877-1878, qui a pour résultat l’occupation des territoires de l’Est de l’Empire par les Russes, les soulèvements et les actions terroristes des groupes armés arméniens augmenteront de manière exponentielle, ainsi, on ne dénombrera pas moins de 40 révoltes, des années 1870, jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Première Guerre mondiale.
Lorsque débute la Première Guerre mondiale, les communautés turques et arméniennes ont perdu toute confiance l’une envers l’autre, et leur fraternité, naguère pilier de l’Empire, est totalement révolue.
La Grande Guerre s’engage en juillet 1914. L’Empire ottoman fait partie de l’alliance avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, opposée à l’alliance composée du Royaume-uni, de la France et de la Russie, surnommée les « Alliés ».
Au début de la guerre, chacun des deux camps pense que la guerre sera rapide et que la victoire lui est acquise.
Front Ouest.
Or, sur le front Ouest, les forces s’équilibrent sur les champs de bataille, si bien que quelques mois après le début de la guerre les armées s’immobilisent dans ce qui est appelé la « guerre de positions » ou « guerre des tranchées », causant d’innombrables dommages matériels et humains dans chacun des camps.
Pour briser cet immobilisme, et dans le cadre de la « géopolitique du pétrole », les Alliés décident de porter la guerre à l’Est et d’attaquer l’Empire ottoman. Ainsi, les puissances alliées, avec la plus grande force militaire navale de l’époque, une des plus considérables de toute l’Histoire, et plus de 500 000 soldats, attaquent, début 1915, l’Empire ottoman.
Leur objectif est de passer par le détroit des Dardanelles, pour conquérir Istanbul et faire capituler les autorités ottomanes. Les Alliés sûrs de leurs forces pensent franchir facilement le détroit des Dardanelles et envahir Istanbul.
Front Est.
Sur le front Est, les forces ottomanes combattent l’armée russe (100 000 soldats et 15 000 forces de cavalerie), et les unités irrégulières arméniennes (40 000 combattants) qui prennent une part active lors des batailles de l’armée russe contre les forces ottomanes.
Novembre 1914, les forces russes prennent l’initiative contre l’Empire ottoman en engageant, lors de l’« opération Köprüköy », la bataille dans les territoires ottomans.
Entre février – mai 1915, les forces russes et les unités irrégulières arméniennes occupent les villes d’Erzurum et de Van, au Sud-Est de l’Empire, d’où sont chassées ou massacrées les populations musulmanes.
Fedor Eliseev (1892 – 1987), colonel de l’armée russe cosaque du Kouban, ayant combattu, durant la Première Guerre mondiale, contre l’Empire ottoman, rapporte dans son livre « les cosaques sur le front du Caucase (1914-1917) », l’importance et le fanatisme des unités irrégulières arméniennes et leur participation massive aux côtés de l’armée russe (1) :
« Fin avril 1915 dans la vallée de Bayazet, dans le village de Diza, au Sud de Bayazet, le détachement d’Ararat [composé de régiments cosaques et de trois unités de volontaires arméniens : 2e – Dro, 3e – Amazaspa et 4e – Keri], nouvellement formé, était concentré pour une offensive dans les profondeurs de la Turquie. Le détachement était destiné à occuper le Vilayet et la ville de Van. »
Il souligne, par ailleurs, le fanatisme de ces unités :
« Ils étaient des assistants très précieux du détachement cosaque dans cette opération. De plus, ils se sont battus fanatiquement. »
En particulier, dans la ville de Van, les forces russo-arméniennes massacrent et chassent les habitants turcs et détruisent leurs habitations.
Le journal arménien « Goçnak » s’en vantera en ces termes (2) :
« Nous nous sommes emparés des casernes et des nombreuses munitions à Aygestan (région de Bağlar). Nous avons brûlé toutes les casernes et les bâtiments gouvernementaux. Dans la ville de Van, hormis 1 500 femmes et enfants, il ne reste plus de Turcs. »
Front Sud.
Début 1915, les tribus arabes sous autorité ottomane se soulèvent, soutenus et aidés par les Britanniques et les Français, dans l’objectif de créer un nouveau front contre les Ottomans.
Ces soulèvements deviendront la « grande révolte arabe » de 1916.
Ainsi, les autorités ottomanes, dont les armées sont engagées sur plusieurs fronts – à l’Est contre les Russes, à l’Ouest contre l’alliance franco-britannique, au Sud contre les soulèvements des tribus arabes – sont également confrontées à des soulèvements internes des irrédentistes arméniens qui constituent un danger à la sécurité de l’État.
Le document officiel (3), du 31 mai 1915 (n° 326758 / 270 840), rapporte la situation :
« Une partie des populations arméniennes vivant près des zones de guerre rendent difficile, pour notre armée, d’essayer de protéger la frontière ottomane contre les États ennemis ; Entravant la logistique, c’est-à-dire le transport de fournitures et de matériel militaire, ils approvisionnent la marine ennemie en matériels, et indiquent nos positions fortifiées à l’ennemi. Rejoignant également les rangs de l’ennemi, ils coopèrent et agissent ensemble avec ceux-ci, afin d’attaquer les forces militaires et des populations civiles du pays. »
Démunis sur le plan matériel (l’Empire, à cette époque, n’a pas un seul navire de guerre qui pourrait rivaliser avec la flotte ennemie, afin de contrer l’attaque des Alliés à l’Ouest), engagés sur plusieurs fronts, les autorités ottomanes craignent que le pays ne soit envahi et, afin d’assurer la sécurité de l’État, ils décident le déplacement des populations arméniennes de l’Est, vers le Sud de l’Empire.
C’est dans ce contexte, que le 27 mai 1915, est promulguée la loi de « déplacement et de relocalisation » (3) qui déclare :
« les populations arméniennes des provinces de Van, Bitlis, Erzurum, des sandjaks d’Adana, Mersin, Cebeli Bereket, Kozan, à l’exception des centres d’Adana, Sis et Mersin ; du sandjak de Marash à l’exception du centre de Marash; les Arméniens vivant dans les villages et les villes d’İskenderun, Beylan, Cisrisugur et Antakya, à l’exception des districts centraux de la province d’Alep, seront envoyés d’urgence dans les provinces du Sud. »
Concernant la relocalisation des populations :
« les Arméniens seront transférés dans le vilayet de Mossoul et au sandjak de Zor, à l’exception de la partie nord bordant la province de Van ; Dans la partie Sud du sandjak d’Urfa, à l’exception du centre d’Urfa, ; Ils seront transportés vers la partie Est et Sud-Est du vilayet d’Alep et vers les endroits désignés et attribués dans la partie Est du vilayet syrien. »
Les autorités ottomanes prendront les dispositions pour protéger les populations arméniennes lors des déplacements, ainsi :
« afin de garantir la sécurité des déplacements, ceux-ci se feront de manière à assurer la vie et les biens des populations déplacées, jusqu’aux destinations définies. Les biens immobiliers et les terrains leur seront distribués au prorata de leur situation financière et économique.
Des maisons seront construites par l’État pour les plus nécessiteux, des outils et matériels seront fournis en fonction des besoins et des métiers, etc. ».
Malgré ces dispositions, lors de ces déplacements, nombre de civils arméniens seront victimes des conditions climatiques, de bandits, de massacres de bandes irrégulières, etc.
Interprétation des événements de 1915 du point de vue des activistes de la « cause arménienne ».
Bien qu’il n’y ait pas de considérations ethniques ou raciales, ni dans les déclarations, ni dans les archives des autorités ottomanes, de cette époque, à l’encontre ni de l’ethnie, ni de la culture, ni de la religion des populations arméniennes, néanmoins, depuis des dizaines d’années les activistes dits de la « cause arménienne », essayent d’imposer, mensongèrement, une thèse selon laquelle, ce seraient des considérations raciales qui auraient motivé les décisions de déplacements des Arméniens de l’Empire et de la tragédie humanitaire qui a suivi, ce que ces activistes qualifient de « génocide ».
Par ailleurs, alors que les forces ottomanes sont engagés sur plusieurs fronts, qu’à l’Ouest, l’armée alliée (franco-britannique) avec plus de 500 000 soldats appuyés sur une des plus grandes flottes de l’Histoire, attaquent ses détroits, qu’au Sud elles sont confrontées aux soulèvements des tribus arabes, qu’à l’Est les forces russes et les irréguliers arméniens occupent une partie de l’Anatolie et que des dizaines de milliers de civils fuient leurs exactions, interpréter, dans ce contexte, les déplacements des populations arméniennes, comme la volonté des autorités ottomanes de créer une « grande Turquie », relève au mieux de la propagande historique.
Comment, un pays qui, en 1915, est assiégé de toute part, par les plus grandes puissances militaires de l’époque, dont une partie est occupée, et qui risque l’invasion, pourrait-il ambitionner de créer un « grand » État ?
La vérité est qu’une partie de sa population collaborant avec les puissances ennemies, que cette collaboration faisant encourir les plus grands dangers sur son avenir, les autorités ottomanes ont pris des décisions de déplacements d’une partie de sa population, cette décision a été mauvaise, au vu des pertes et des souffrances humaines, mais l’interpréter comme une volonté d’ « extermination » sur base « religieuse ou ethnique », donc comme un « génocide » ne répond à aucune vérité historique.
Sur les plans politique et géopolitique.
La qualification sur le plan politique d’événements historiques, avant de relever de l’Histoire, relève avant tout de la politique.
Dans les États occidentaux, la qualification de leur Histoire nationale, selon des catégories morales, peut relever de considérations de politique interne, comme le clivage idéologique droite / gauche.
Néanmoins, pour ces mêmes États occidentaux, concernant la question arménienne, cette dichotomie de politique interne n’entre pas en ligne de compte et ce sont les considérations géopolitiques qui prennent le relais.
Ainsi, dans ces États qui légifèrent l’Histoire étrangère, la droite comme la gauche peuvent soutenir les thèses mensongères arméniennes selon des considérations géopolitiques.
Dans ce cadre, les grandes puissances impérialistes peuvent, en politique extérieure, utiliser ou s’associer à tout groupe et toute idéologie hostile à un pays. Et il est souvent dangereux, dans ce contexte, de s’opposer ou même s’exprimer sur ces alliances.
Ainsi, c’est être dupé, et prendre l’ombre pour la réalité que de croire à des jeux d’opposition trop apparents.
Les impérialistes ne sont pas à court de jeux doubles, d’alliances retorses, de manipulations, de mensonges, de crimes quand il s’agit de leurs intérêts.
L’action politique des communautés turques en Occident.
L’inaction et le désintérêt politiques des communautés turques qui vivent dans les pays occidentaux sont malheureusement une norme qui facilite les propagandes, les actions qui s’organisent contre leur histoire et leur culture.
En 1988, l’Etat arménien a chassé tous ses habitants azéris, soit près de 200 000 personnes, du fait qu’ils étaient d’origine turque.
Ainsi, la turcophobie est toujours très active dans certains groupes et certains pays, contrairement aux affirmations de ceux pour qui cette turcophobie ne serait qu’illusoire, l’attribuant à l’interprétation angoissée des milieux nationalistes. Ces mêmes gens voient, d’ailleurs, des « nationalistes turcs » partout, cette représentation intellectuelle expliquant l’autre.
Néanmoins, l’utilisation de la question arménienne comme moyen géopolitique n’est que la partie émergée de l’iceberg de la turcophobie.
D’autres organisations importantes en nombre, en moyens et en capacité d’action, sont les internationalistes de gauche. Opposées à la notion d’État-nation, de république unitaire, donc d’idéologie mondialiste, universaliste, etc, ces structures internationalistes sont organisées d’un pays à l’autre et ont des liens substantiels entre elles.
La branche turque est particulièrement vindicative à l’égard de la Turquie dans sa forme républicaine. Elle est très active en Turquie et dans les communautés turques et fortement soutenue.
Nous en avons, personnellement, été les cibles il y a quelques années, avec des attaques sur notre honneur et des menaces.
Dans ce cadre, il faut que les communautés d’origine turque qui vivent dans les pays occidentaux, et qui sont liées à leur culture et leurs ancêtres, prennent conscience de la situation, deviennent plus actives, qu’elles protègent la vérité, dont aujourd’hui la déformation vise leur honneur et leur humanité, aidé en cela par des structures occidentales de toujours hostiles à ceux-ci.
(1) http://barev.today/news/arararatotryad
(2) https://www.ermenisorunu.gen.tr/osmanli-devleti-ermenilerin-bir-kismini-neden-sevk-etti/
(3) http://dergipark.org.tr/tr/download/article-file/9995
K.O & Tİ
İnfo flash haber Paris 20-04-2020